Les explorations spéléologiques dignes de ce nom apparaissent en Europe au milieu du XIXe siècle, notamment dans l’empire Austro-Hongrois. En France, elles ne commencent véritablement qu’à la fin du XIXe siècle avec Edouard Alfred Martel, le père de la spéléologie moderne. Au début du XXe , la France sera leader mondial avec l’arrivée des plus grands spéléologues comme Norbert Casteret et Robert De Joly.
Leurs investigations butent parfois sur des galeries complètement noyées. Le siphon devient l’obstacle que tout spéléologue rêve de franchir afin de poursuivre, au-delà, l’exploration souterraine.
L’age de cuivre et les premiers pas.
La plongée la plus ancienne en France fut celle du Marseillais N. Ottonelli, (mars 1878), en scaphandre lourd, qui descend à Fontaine de Vaucluse, jusqu’à -23m. En 1938 un autre « pieds lourds » marseillais atteint -26m. Avec ce même type d’appareil, des explorations sont réalisées en Suisse (source de l’Orbe 1893, grotte du Creugnat 1934), en Angleterre (Grotte de Wookey Hole 1935)….
Avec l’apparition du système Le Prieur, l’homme se libère enfin d’une alimentation en gaz provenant de la surface. En 1942 Jean Birebent et Max Couderc font une tentative sur plusieurs mètres dans la grotte du « Boundoulaou ». Suite et grâce à la dernière guerre mondiale, les progrès en matière de matériels et de techniques de pénétration dans le milieu subaquatique permettent, enfin, de plonger en scaphandre autonome dans le milieu souterrain noyé.
Un grand précurseur : Guy de Lavaur
Le 27 août 1946, une expédition du Groupe de Recherches Sous-Marines de Toulon (GRS), est organisée sur la Fontaine de Vaucluse. Les plongeurs de l’équipe, (où se trouvent notamment J.-Y. Cousteau, Dumas et Morandière…), plongent encordés, à plusieurs reprises et parviennent à -46m. Ils ne trouvent pas « l’accès la Sorgue souterraine » et « ne percent son mystère ». Mais là débutaient les premières plongées souterraines et le scaphandre « Cousteau-Gagnan » remplace définitivement l’équipement du scaphandrier pieds lourds. En août 1955, les plongeurs de l’Office Français de Recherches Sous-marines (OFRS), où se trouvent X. Fructus, H.-G. Delauze poursuivent leurs investigations dans la Fontaine. La profondeur de -74 m est atteinte et un relevé topographique est effectué. Plus tard, en septembre1967, un robot téléguidé, le Télénaute s’arrête à -106m
En 1956, la même équipe de l’OFRS, pénètre également dans la source sous-marine de “ Port-Miou” dont l’entrée a déjà été visitée. Ils parviennent à remonter le conduit sur 280m par -20m.
Au sein de la FFESSM, depuis 1953, la « spéléologie » est une des sous commissions de la Commission Sportive. De 1956 à 1969, différents présidents se succèdent à sa tête, mais peu d’actions spécifiques au monde souterrain sont à noter.
Par contre, à la Fédération Française de Spéléologie (FFS), qui était alors le Comité National de Spéléologie (CNS), Guy de Lavaur, le véritable pionnier de la plongée spéléologique, impulse la pénétration en scaphandre autonome, dans plusieurs sources : (Vitarelles, Chartreux, St. Georges, …) avec l’aide des spécialistes du GRS. Des actions sont également menées par différentes plongeurs :
H. Lombard près de Montpellier : Cent Fons, Gourneyras, Gourneyrou, Pompignan, etc. et le Lirou où il trouvera la mort en 1950,
Le Dr Dufour, assurait des stages de formation sur la péniche de Sogetram , quai de la Rapée (Paris) auquel a participé Louis Potié qui sortait de l’exploration du Gouffre Berger (Premier -1000 dans le monde). Le Dr Dufour plonge en Dordogne en 1956 : Fontaine de Cuges, Doux de Coly, etc… et la grotte du Goueil Di Her où il meurt derrière le siphon qu’il venait de franchir.
Mais d’autres plongeurs se regroupent pour former des équipes, notamment et surtout ceux du Clan des Tritons lyonnais avec à sa tête, Michel Letrône. C’est à eux que l’on doit les techniques modernes toujours actuellement en pratique : vêtement isotherme, lampes étanches, 2 bouteilles couplées avec chacune son détendeur, liaison à la surface par un dévidoir contacteur…M. Letrône peut ainsi réaliser une longue série d’explorations dans : le Sud-Ouest (Thouriés, Calel, …), les Alpes (La Balme, St. Nazaire, les Cuves, Cholet…), le Jura (l’Abime…), le Var…Il pu franchir certains siphons mais ses réussites seront rarement exploitées. Il est le meilleur conseiller de l’époque et c’est lui qui précise en 1957 : « en siphon, il vaut mieux être un mauvais spéléo et bon plongeur ». Figure de proue de la plongée souterraine et de la spéléologie, il fera beaucoup d’émules dont j’ai fait partie. En 1956, l’équipe de la 2ème Aix explore 200m de conduit derrière les 2 siphons de la Tune » (83).
Dans l’esprit de l’époque, le siphon reste l’obstacle à franchir, afin de poursuivre à l’air libre, l’exploration des galeries. Les conduits noyés qui dépassaient 150m se comptaient sur les doigts d’une main.
Le premier stage de plongée souterraine fut organisé par les Tritons en 1956 (5 participants). Le second se tint en septembre 1961 à l’île de Bendor sous la direction de Roger Gautier et du Groupe d’Etudes et de Plongée Souterraines (GEPS) pour le CNS, suite à un protocole d’accord signé entre les 2 Fédérations en juin 1960.
Le déclic.
En 1964 apparaît une nouvelle génération de plongeurs motivée par la spéléologie. A Marseille, un groupe de 4 étudiants, membres de la FFESSM, poussé par C. Touloumdjian, s’attaque à Port Miou et avec de moyens personnels dérisoires, parvient à dépasser de 40m le terminus de l’OFRS (280m), soit le point 320. Ils s’inspirent des techniques mises au point par M. Letrône et utilisent la bouée pour l’équilibrage des bi 12 litres. En 1966, C. Touloumdjian, en solitaire, déroule 450m de fil soit le point 400. Dans le même temps, JL. Vernette dynamise le GEPS et, avec B. Sapin, remontent la source du Bestouan sur 400m. En 1966, ces plongeurs décident de s’unir au sein du GEPS qui se sépare du CAF.
La plongée a évolué. Les bouteilles sont en acier et les joints toriques remplacent les joints plats, peu fiables et dangereux. Mais le scaphandre ne possède pas encore de manomètres de pression et il faut tenir compte de « la réserve ». Les lampes éclairent au mieux sur 4m et sont portées sur les bras, car le casque n’est pas encore dans les mœurs.
Commence alors une longue période d’exploration par ce club, qui atteint une dizaine de membres actifs, dans tout le sud de la France et qui devient le club « Phare » de la plongée souterraine. C’est là que prend naissance le touret contenant le fil d’Ariane, injustement appelé vers le début des années 80, le « touret parisien », les relais de bouteilles, l’usage du propulseur sous-marin (Aquazepp à batterie acide plomb)… et l’obligation de posséder une bouée pour l’équilibrage. Le GEPS s’attaque particulièrement à la source de Port-Miou avec l’aide financière de la Société des Eaux de Marseille. En 1968 ils atteignent le point 870m à -45m. Dans ce club, parmi les « meneurs », une nouvelle philosophie apparaît. Le siphon n’est plus un obstacle à franchir, mais le but principal des explorations, même si l’espoir de le traverser est infime. Les plongeurs mettent en évidence de nombreux systèmes noyés : Durzon, Gouls de Bourg-St-Andéol, Baume des Anges, Foux de la Vis, Gourneyras, Touvre d’Angoulème, Fontanilles, source du Lez…Ils sont également spéléologues et n’hésitent pas à plonger en fond de grottes et de gouffres, où ils arrivent a explorer des kilomètres de galeries aériennes derrière des siphons plus ou moins long : grotte du Mouret, gouffre du St-Cassien (-320m) et gouffre Pierre (-580m), Goueil di Her, Mas Raynal… Des risques sont pris dans certains siphons explorés en mono bouteille, et exceptionnellement sans fil d’Ariane (F. l’Evèque….). La prééminence du GEPS durera jusqu’en 1973.
Parallèlement, toujours dans la fédération de spéléologie (FFS), d’autres groupes prennent naissance notamment ceux de la région Rhône Alpes : le GRPS, le GEH du Semnoz. De petites équipes s’attaquent à des siphons de gouffres alpins : Bertrand Léger et J. Dubois au gouffre Berger (-1122m), J. Dubois et R. Jean dans la grotte de Bury (de -355m à -400m). Frédéric Poggia commence une très longue carrière d’explorations en fond de grottes et de trous, grâce à ses capacités physiques exceptionnelles …R. Lacroux, après une série d’explorations dans différents siphons du sud-ouest et de l’Ardèche (Peyrejal, Remejadou, Espeluches…), préside la commission plongée. Il organise le Premier Colloque National de plongée souterraine le 30/11/1969 à Lyon.
A la FFESSM, en 1969 la « Commission Culturelle », remplace la Commission « Sciences et Techniques » avec 4 sections, dont la « Spéléologie ». Elle est dirigée par différents présidents. Mais peu de choses se produisent jusqu’à l’arrivée de Michel Seguin à la tête de la section. Son groupe, le CRSA d’Angoulème, est particulièrement axé sur l’étude des cavités, la topographie, les prises de vues, la photo. Il explore notamment les sources de la Touvre, celles de l’Ouysse, de St-Georges… La section commence à recueillir des résultats importants en « premières », avec l’équipe de Provence. Pour la première fois, en 1973, une expédition à l’étranger (Yougoslavie) est lancée sous l’égide de la Fédération par C. Touloumdjian et G. Francziakis. En 1974, ils découvrent 2300m de nouvelles galeries dont 1000m en siphon. Ils mettent en évidence ou poursuivent de grands systèmes noyés (Chartreux, Cabouy-Pou Meyssen, Banquier, Fontanilles, Sauve, Pâques, Durzon, ….).
À partir de 1968, la mentalité des plongeurs change et transforme la plongée souterraine en une discipline dont le but est l’exploration de plus en plus poussée et l’étude hydrogéologique des conduits noyés. Elle est pratiquée par des individus seuls mais aussi par des équipes soudées qui soutiennent les “plongeurs de pointe”.
A la FFS, en 1975, le bulletin « Info Plongée », créé par J.-C. Frachon en 1974 commence à se propager et devient une source incontournable de publications pour les plongeurs spéléologues. De nombreux adeptes apparaissent, et se joignent à des anciens pour former des équipes efficaces, avec de nombreux résultats dans toute la France. Il faut citer tout particulièrement Bertrand Léger qui est d’une activité débordante avec ses équipiers et se signale pendant plus de 10 ans, par ses remarquables explorations, assez souvent réalisées en solitaire. Sous son impulsion, en se référent aux techniques utilisées par l’Allemand Hasenmayer, les lampes à iode font leur apparition, de même que le casque et le vêtement sec (V.V.C.)….
Après le décès de G. Francziakis au Goul du Pont (1975), C Touloumdjian s’implique encore plus dans la FFESSM et reprend l’exploration du Bestouan (720m). Il mène une campagne d’explorations dans le Lot, aidé par les plongeurs locaux. Ensemble, ils « font 560m de premières », notamment dans Cabouy – Pou – Meyssen, Landenouze …
A la fin de l’année 1976 la FFESSM se dote d’une commission spécifique: la Commission Nationale de Plongée Souterraine (CNPS). Créée par C. Touloumdjian, elle devient autonome avec son propre règlement intérieur. Elle se fixe comme objectif la plongée en sécurité, la participation aux Secours en siphon mise en place par la FFS, la recherche de techniques nouvelles, le développement des commissions régionales, l’organisation d’expéditions régionales et nationales. Pendant dix ans, les expéditions nationales se dérouleront dans la région du Quercy et plus particulièrement axée dans le Lot, toujours dirigée par C.Touloumdjian.
Outre les études et les explorations en « première », l’objectif était de regrouper les bons plongeurs pour échanger leurs idées, leurs connaissances, leurs techniques et la mise en commun d’un matériel onéreux pour lequel s’investissait la Fédération. Et cet objectif était rempli au travers de l’Expédition Nationale annuelle. C’est ainsi que se développèrent les équipes régionales de Rhône Alpes (RABA avec en particulier P. Laureau et B. Lebihan), celle d’Ile de France (Francis Le Guen, Hubert Foucart),… Au cours de ces expéditions, de nombreux systèmes souterrains furent mis en évidence, explorés, étudiés et topographiés :
En 1977 : la 1ère expédition nationale au Quercy, permet l’ exploration de 9 cavités, dont le Trou Madame (1800m) et le Ressel (350m et -45m,avec prises de photographies et un film en « super 8 »), où, pour la première fois, le propulseur « Locoplongeur », emmené par les provençaux, fut utilisé.
La Commission régionale de Provence reprend ses plongées dans la source de Font d’Estramar (280m, -40m) et du Bestouan où C. Touloumdjian atteint le point 855m. Il utilise, pour la première fois, grâce aux bons conseils de F. Gardette (Comex) de l’Oxygène en palier. Cette technique vient de faire son apparition et sera largement répandue ultérieurement. La commission Rhône-Alpes (RABA), avec les plongeurs du SC Dijon (Laureau, Le Bihan,…) poursuivent l’exploration des grands systèmes de la région dijonnaise (Neuvon, Combe aux Prêtres…) découvrant plus de 900m de galeries. Ceux du Grenoble continuent leurs investigations dans les Alpes (Guiers-Vif, Fontaine Noire…). Il faut noter également le 1er stage National de plongée souterraine organisé dans le Lot par la Commission Plongée de la FFS.
L’année 1978 voit une augmentation du nombre de participants dans les activités fédérales. Lors de l’expédition nationale dans le Lot, le siphon amont de Pou-Meyssen, (1190m), est franchi à l’aide en partie, du « Locoplongeur » et avec des paliers à l’O2 A ce bon résultat il faut rajouter ceux obtenus à Briance, Meyraguet, Thouriès…)
L’année 1979 est particulièrement riche en événements de plongée souterraine. En août, 17 cavités sont explorées par 10 plongeurs. L’expédition du Lot regroupe les commissions d’Ile de France, de RABA et de Provence, ainsi que les Suisses du GLPS. Il est réalisé plus de 4000m de « premières », dont 2000m de siphon, dans : Cacrey, St-Georges (1060m, -71m), l’Oeil de la Doue, Briance…. Une mission exploratoire est lancée en Turquie, où de nombreux gros objectifs sont trouvés, mais qui n’aura pas de suite faute de plongeurs intéressés.
La commission régionale Ile-de-France (IDF), de son côté, avec F. Le Guen et son équipe effectuent une exploration de 9 h 30. Ils pénètrent sur 2500 m dans la grotte du Trou-Madame, entrecoupé de 2000 m de siphons, déjà exploré sur 1800m par l’expédition nationale de 1977 et sur 1950m par B. Léger. C’est, à l’époque, un “record mondial”, terme qui déplait fortement à la CNPS. Les Provençaux poursuivent leurs investigations notamment dans le Bestouan et dans la grotte de Pâques (30) jusqu’au Siphon N°5 plongé sur 635m.
En 1980, les résultats s’accumulent dans les régions avec de nouveaux venus (les plongeurs du « Ragaï ») et les anciens des Régions I.D.F., Raba, Provence. C. Touloumdjian dirige une expédition lancée sur la source du Timavo (Italie), la plus importante d’Europe par son débit (de 8 à plus de 250 m3/s) et recueille de bons résultats. Lors de l’expédition nationale du Lot, il dynamise une équipe qui le suit dans la Doux de Coly, malgré l’interdiction d’accès. Après une « dure » négociation avec le propriétaire, il parvient à obtenir l’autorisation de poursuivre les plongées sous l’égide de la FFESSM et de la FFS.
L’ère de l’Hélium…
En 1981, l’expédition nationale se focalise sur cette Doux de Coly où, avec les Suisses du GLPS les 1700m sont atteint (-50). En Italie, le Timavo, 150m de nouveaux conduits sont découverts par l’équipe fédérale. Sur le plan régional, en Provence, C. Touloumdjian, aidé par son équipe, remonte la source sous-marine du Bestouan jusqu’à 1380 mètres de l’entrée. A Port-Miou, il organise une série de plongées où, avec les Suisse du GLPS, le puits terminal situé à 1700m du Barrage est découvert (- 60m, C. Magnin). En octobre il parvient à -153 m dans la Fontaine de Vaucluse, au cours d’une plongée de 7 heures 30. Grâce à HG Delauze, il bénéficie de l’infrastructure et des gaz Comex (J.-P. Imbert, …) et du soutien de la FFESSM.
Mais l’esprit fédéral et communautaire de la CNPS est mis à mal par des rivalités de personnes
L’année 1982 voit une réunion organisée par C. Touloumdjian, à laquelle se joint l’équipe du GLPS, à la Comex, afin de mieux connaître les techniques de plongée aux mélanges. Sous la houlette de l’expert JP. Imbert, le groupe prend connaissance des tables ternaires « Doris – Comex ». C’est à partir de cette réunion que sera vraiment lancée l’utilisation des mélanges autre que l’air, à base d’hélium, pour des plongées sportives. Elles seront tenues « confidentielles » pendant plus de 4 ans, les temps de les tester en petit comité. La « giclette » (moins de 15% d’hélium dans l’air des bouteilles) fait sont apparition….
L’expédition nationale ne récolte pas de bons résultats dans le Quercy à cause de la mauvaise qualité des eaux. Par contre, les membres de RABA découvrent de nouvelles galeries dans le système de Neuvon et de la Combes aux Prêtres et effectuent un camp souterrain derrière siphon dans la grotte Gournier pour découvrir 1400m de conduits. Ils ont des problèmes en Sardaigne avec l’équipe I.D.F.
1983 est marquée par l’expédition de Francis Le Guen en Australie. L’équipe d’Éric et F. Le Guen s’y rend, malgré l’absence de subsides fédéraux. L’expédition « Nullarbor » s’enfonce sur 5870m dans les galeries immergées de la grotte de Cocklebiddy, en cours d’exploration par les Australiens. Ce « Nouveau record du Monde » donnera lieu à un livre « Les scaphandriers du désert ». L’équipe de RABA se distingue par une plongée au fond de Padirac. Elle organise une expédition en Espagne où elle découvre, en plusieurs tronçons, près de 5000 de galeries derrière siphon. Elle lance une mission au Portugal (J. Michel).
L’expédition nationale « Quercy 1983» n’obtient pas de bons résultats, hormis à la source de Glane. En Provence C. Touloumdjian remonte le Bestouan sur 2050m, qui devient la source sous-marine la plus longue du Monde. A Fontaine de Vaucluse, avec son équipe ils aident le robot de « Renault-Cleon » a dépasser le point -205m, atteint par l’Allemand J. Hasenmayer, pour s’arrêter à -245m.
En 1985 l’expédition nationale dans le Quercy ne récolte que 1500m de « première » dans plusieurs cavités dont St-Gery et Salle la Source. Les équipes de Raba et d’Atlantique Sud organisent deux stages régionaux. C. Touloumdjian utilise de façon régulière les mélanges ternaires à Font Estramar (550m, -95m), Mas de Banal (-89m), Cent Fons (-100m), la Vis (-70m).
L’année 1986 marque un date dans l’utilisation des mélanges. Claude Touloumdjian organise une expédition nationale, qu’il aide financièrement avec une partie du Prix qu’il a reçu de « L’ Equipe Magazine et du Coq Sportif ». Plusieurs membres de l’équipe utilisent les nouveaux gaz et Claude fait plusieurs plongées au ternaire pour atteindre -125m.
Jusqu’au tout début des années 80, la plongée souterraine était regardée d’une façon quelque peu condescendante par les cadres de la Technique. Mais au fil des rapports sur les grosses explorations, nécessitant des matériels et des stratégies de plongée inhabituelle, inconnus des meilleurs plongeurs « classique », la CNPS a trouvé une place incontournable en ce qui concerne les progrès réalisés dans l’immersion subaquatique.
Une page est tournée.
La CNPS a connu des moments d’euphorie, mais aussi des moments difficiles en raison de conflits de personnes et d’approches différentes en terme de stratégie, de sécurité, de secours et de vulgarisation.
Les contacts avec la commission plongée de la FFS (Fédération Française de Spéléologie) ont donné lieu, au cours de ces 25 dernières années à de multiples crises entrecoupées de périodes de collaboration intense. Elles ont pour origine le fait que les mondes souterrains et subaquatiques s’interpénètrent à un moment donné, au niveau des conduits noyés. Les spéléologues, pour être à l’aise dans les siphons, se sont transformés en plongeur et beaucoup pratiquent au sein des clubs FFESSM. Et naturellement certains ont adopté la double étiquette et les 2 fibres fédérales. Dès 1978, la CNPS était accusée de vouloir réglementer la plongée souterraine française, en 1995 elle « était en train de mettre en place des brevets spécifiques de plongeur souterrain… ». Trente années sont passées et toutes ces accusations n’ont pas eu lieu. Et bien au contraire, la présence des spécialistes de la CNPS ont permis au Ministère de ne pas prendre des dispositions dommageables pour la pratique de la plongée souterraine en France. Seule la plongée aux mélanges possède des dispositions particulières.
Entre 1980 et 1995, l’harmonie règne entre la FFS et la FFESSM et plus particulièrement en matière d’enseignement où, en 1990, une convention est signée. Des brevets inter fédéraux de cadres (initiateur et moniteur) sont mis en place, avec des cartes communes (1994). Les explorations de grande envergure ont été menées par des équipes nationales et régionales, où se trouvaient aussi de bons spéléologues (Dijonnais, Brivistes, Parisiens….), pour le grand bien en ce qui concerne la connaissance et d’études des réseaux noyés.
Depuis 1977, les résultats de explorations étaient publiés dans « Info Plongée », le Bulletin de la FFS, puis, à partir de 1990 dans « Sifon », bulletin inter fédéral de la région I.D.F. Mais les tiraillements avec l’équipe parisienne de la FFS ont contribué, pour notre plus grand bien, à éditer notre propre bulletin : « le Fil ». Il est administré depuis sa création en 1998 par Laurent Caillère, le toujours actuel secrétaire de la CNPS, qui se charge aussi de sa mise en page et de son impression. La Commission possède également son propre site inclus dans celui de la Fédération.
Durant ces 20 dernières années les grandes explorations et découvertes réalisées par les membres de la CNPS ont principalement été dues à l’important soutien financier de la Fédération. Grâce à elle nous avons pu utiliser des matériels à la pointe, des techniques de plongées subaquatiques, rivalisant parfois celle des plongeurs professionnels. En retour, la renommée de la Fédération grandissait dans les pays étrangers où se pratique l’exploration souterraine. La transmission du savoir faire de la CNPS, en matière de plongées mélanges, ont contribué à faciliter la mise en place des techniques et des modes opératoires instaurés par la Commission Technique Nationale. La CNPS a contribué ainsi à éviter la main mise de la plongée « Tech » par les organismes étrangers commerciaux.
Parmi les nouveaux meneurs qui ont débuté vers la fin des années 80, qui ont marqué les années 90 et continuent leurs actions au sein de la commission, il faut mettre en évidence :
– Le Dr. Bernard Gauche, alpiniste et spéléologue de renom. Hyperbaryste, doué d’une condition physique peu commune, épaulé par les plongeurs d’Atlantique Sud, il est dans la plupart des expéditions de l’époque et des premières: Font del Truffe, Combe Nègre, St-Georges, Glane … et surtout la jonction mythique Gouffre de Padirac – source de la Finou pour un trajet de 20 kilomètres dont plus de 3500 m en siphons en 54 heures.
– Hubert Foucart : à la Touvre d’Angoulème (1986 – 1988), le réseau post siphon de Pou-Meyssen, St-Sauveur (700m et -90m)…
– J. Pierre Stefanato : à la Touvre, à Glane mais aussi à Thouriès (1400m, -75m) …
– Pascal Bernabé au Mas de Banal (-150m), Thais (-91m), à la Touvre (-142m), …..
– Ludovic Giordano : à la F. des Chartreux (-137m), La Touvre (-144m et 8h de décompression), le Trou des Fées (-126m), Gourneyras…
– Franck Vasseur avec les siphons de la région montpelliéraine et les expéditions nationales en Croatie et en Macédoine…
– Marc Douchet et Patrick Bolagno. Ils mettent au point au sein de leur club (Centre de Recherches et de Plongées Souterraines), les cloches de décompression (1991) pour assurer leurs longues décompression nécessaires pour leurs grosses explorations fédérales: Bestouan (M. Douchet, 3000m en 1991) ; Port-Miou (M. Douchet, 1750m et -147m pour 11h d’immersion); Gourneyras, Coudoulières (Bolagno, 1700m et -100m) ; Foux de la Vis (Bolagno,1800m et -105m), Gouffre du St. Cassien, ….
En matière d’utilisation des recycleurs, la CNPS a également été novatrice dès 1993, avec un projet de construction d’un circuit fermé (C. Thomas), qui n’a malheureusement pas abouti. Elle mène aussi, différentes réflexions sur ce nouveau matériel (1999, F. Badier).
Cette période a aussi connu des moments difficiles suite aux accidents survenus en grottes sous-marines. Et l’année 1997 a été particulièrement tragique avec la mort de 7 plongeurs (Estartit ; Tremie – 13 ; Vaucluse). La campagne de sensibilisation qui a été menée au niveau national et régional et l’accentuation du nombre de stages (plus d’une dizaine chaque année regroupant entre 80 et 120 stagiaires) ont contribué a faire presque complètement disparaître ce risque.
La CNPS a également poussé les équipes Françaises à se lancer dans les siphons étrangers avec C. Touloumdjian (Italie 1979 ; Slovenie 1992 ; Albanie 1995 ; Mexique 1995,1997; Yougoslavie 1996-1998 ; Bosnie-Herzegovine 2000-2007), les Dijonnais (Espagne 1983 -1987), C.Thomas et les Parisiens (Grèce 1989, Portugal 1992, Açores 1994, Mexique 1996,), F. Vasseur (Croatie 1999, 2000 ; Macédoine 2002). Contrairement à l’idée que certains ont propagée et qui sont encore d’actualité, ces expéditions n’avaient et n’ont toujours pas un caractère de villégiature axée sur un certain tourisme. Les équipes ont toujours consacré le maximum de leur temps à l’exploration et ses contraintes (préparatifs, matériel, gonflages, portages…), parfois très éprouvantes, à tous les points de vue, bien loin des hôtels, des restaurants et des plages.
L’avenir.
Après 27 années au service de la plongée souterraine et de la FFESSM, j’ai transmis les rennes de la CNPS en 2005, à Jean-Pierre Stefanato. Le nouveau président a la difficile tâche de fédérer les différentes équipes qui prolifèrent actuellement en France de façon un peu épisodique et parfois anarchique. Le problème de la sécurité reste d’actualité et les relations, qui ont repris avec la Fédération Française de Spéléologie, en sera sans doute l’un des thèmes des discussions. Il va être le président d’une nouvelle vague de plongeurs utilisant de techniques de pointe (recycleurs, ordinateurs VR3, propulseurs multiples, etc..). Parmi les plus en vue, figure actuellement Xavier Méniscus, auteur d’un nombre impressionnant de plongées profondes dans la zone 120-160m dans les grands systèmes noyés de France. Avec l’équipe RABA, il est à l’origine de nombreuses « premières ».
Les plongeurs à la pointe de cette nouvelle vague doivent se doter, personnellement, d’un matériel encore plus coûteux pour rester performant. Ceci aussi pour continuer à être un laboratoire d’idées et de technique pour la Fédération.
Claude TOULOUMDJIAN (2010)