Les scooters en plongée souterraine

1.   HISTORIQUE : LES SCOOTERS CHEVAUCHES

Le concept de torpille chevauchée a été mis au point lors de la seconde guerre mondiale. Il est parfaitement illustré par le «maiale» des nageurs de combat italiens, qu’on croirait extrait d’esquisses de Léonard de Vinci. Cette arme de guerre pouvait transporter 200 kg de charge explosive.

Cette machine a vraisemblablement inspiré la génération suivante de scooters subaquatiques, puisqu’on retrouve ce même concept sur les torpilles plus pacifiques du caméraman Rebikoff (années 50) puis, la charge explosive en moins, sur les Aquazepp de Rupprecht, sur les loco-plongeurs de Préméco et les Farallon américains (années 70)

Ces machines restaient cependant trop onéreuses et trop performantes pour les plongeurs de loisir.

2.    LES SCOOTERS TRACTEURS

Les années 80 ont vu apparaître de nouveaux appareils plus compacts et mieux adaptés à la plongée de loisir : Apollo et Tekna.
Ces appareils de série, limités en autonomie et en profondeur ne convenaient pas aux exigences des plongeurs souterrains qui continuaient à leur préférer les plus classiques Aquazepp.

La solution actuelle (comme bien d’autres évolutions du matériel de plongée souterraine) nous vient des plongeurs tek américains qui ont adapté un groupe propulseur Tekna sur un corps plus volumineux (années 90). Le mutant s’appelle Gavin (inventé pour le WKPP par Bill Gavin), encore très artisanal puisque les deux achetés par la FFESSM en 1997 n’ont jamais pu fonctionner correctement.

Submerge a ensuite industrialisé le concept. Leurs Silent Sub, fabriqués en petites séries, sont d’une fiabilité exemplaire et, ce qui ne gâche rien, les patrons Rodney et Suzie, sont particulièrement sympathiques.

Les marques plus anciennes ont adapté leurs modèles à ce concept (Aquazepp et Farallon) et d’autres ont suivi (SUEX avec son Zeuxo par exemple, ou encore le DiveX de Xtras).
Un scooter doit pouvoir se piloter d’une seule main afin de disposer de l’autre pour la gestion du reste de l’équipement de plongée. Pour cette raison les scooters tracteurs sont reliés au plongeur par une longe (d’où leur appellation de « tow-behind » en anglais) qui permet en outre de soulager les bras en transmettant la traction directement sur le harnais du scaphandre. Pour une meilleure efficacité, cette longe doit être ajustable selon le gabarit du pilote et les conditions de plongée.

3.    UNE COMPARAISON S’IMPOSE

TYPE DE SCOOTER CHEVAUCHES TRACTEURS
AVANTAGES
  • Le plongeur fait corps avec le scooter
  • La propulsion se fait derrière le plongeur
  • Maniables
  • Compacts
  • Toujours reliés au plongeur par une longe
INCONVENIENTS
  • Peu maniables
  • Délicats à enfourcher
  • Ne conviennent pas aux passages bas
  • La propulsion se fait sous le plongeur
  • L’efficacité dépend beaucoup des réglages et du positionnement

Pour résumer, les scooters chevauchés sont très confortables lors des longs parcours dans des galeries spacieuses, ils sont aussi plus rapides que les scooters tracteurs. En revanche les scooters tracteurs sont pratiques lorsque le plongeur doit fréquemment s’arrêter (pour équiper ou pour topographier par exemple) et sont utilisables même dans les passages bas, voire très bas puisqu’il est tout à fait possible, même si c’est moins confortable, de positionner le scooter à côté du plongeur plutôt que dessous.

4.    COMMENT CA FONCTIONNE ?

Un scooter (encore dénommé DPV pour Diver Propulsion Vehicule) est composé des éléments suivants :

  • Une partie propulsion
  • Une partie commande
  • Un réglage de vitesse
  • Une partie énergie
  • Un corps étanche

4.1.    La partie propulsion :

  • Le moteur est à courant continu, 12 ou 24 Volts, en général spécifique à cet usage.
  • La transmission est directe sur les machines modernes, ce qui leur garantit rendement et silence. Les Aquazepp utilisent un réducteur qui permet d’adapter un moteur standard moyennant une perte de rendement audible.
    Un embrayage est systématiquement intercalé entre le moteur et l’hélice pour préserver le moteur en cas de blocage de l’hélice.
  • L’hélice : elle est spécifique, en métal ou en plastique.
  • La tuyère : elle canalise le flux produit par l’hélice tout en protégeant le plongeur et son environnement de la rotation de l’hélice.
    C’est une partie fragile du scooter, sa déformation peut provoquer le blocage de l’hélice.

4.2.    La partie commande :

  • Elle est intégrée à la poignée unique ou à l’une des deux poignées de maintien, parfois aux deux.
  • Elle doit pouvoir être actionnée d’une seule main.
  • Elle doit stopper l’appareil si on lâche. Les dispositifs de blocage de la commande qui existent sur certains appareils doivent être utilisés avec discernement.
  • Qu’elle soit mécanique ou magnétique, la commande actionne un relais qui est une pièce sensible, susceptible de rester bloquée en position marche.

4.3.    Le réglage de vitesse :
Cette possibilité de réglage a pour but d’adapter la vitesse aux tâches à accomplir et de la limiter dans les galeries ascendantes, en phase de décompression. Le réglage peut être :

  • Électrique (Aquazepp) : par inversion 12 / 24 V et par décalage des balais du moteur. La combinaison des deux donne 4 vitesses différentes, modifiables pendant la marche.
  • Électronique (Farallon, Zeuxo, DiveX) : par un variateur électronique commandé par le pilote.
  • Mécanique (Submerge, Apollo, Tekna) : en modifiant le pas de l’hélice (donc la force de poussée), ce qui ne peut se faire qu’à l’arrêt.

4.4.    La partie énergie :
Pour l’instant il ne s’agit que de batteries d’accumulateurs, la plupart sont des batteries au plomb. Mais on trouve aussi des accus NiMH, voire Lithium-ion, (plus performants, mais plus chers que le plomb) qui permettent de construire des scooters beaucoup plus compacts et plus légers.

Pendant la recharge et pendant l’utilisation les batteries dégagent de l’hydrogène. C’est pourquoi le moteur est isolé hermétiquement du compartiment des batteries afin d’éviter tout risque d’explosion. L’autonomie dépend du type de batteries utilisé mais varie beaucoup selon l’effort demandé au scooter qui dépend à la fois de l’hydrodynamisme de l’équipage et de la vitesse de déplacement.

4.5.    Le corps étanche :

  • Le corps du propulseur protège l’ensemble des organes de l’immersion. Il est soit en plastique, soit en alliage d’aluminium.
  • L’étanchéité entre les différentes parties du corps est assurée, classiquement, par des joints toriques.
  • L’étanchéité de l’arbre d’hélice est particulièrement sensible car elle doit éviter toute entrée d’eau sans freiner la rotation de l’arbre. Les mieux à même de supporter ces contraintes sont les joints en céramique mais d’autres dispositifs existent.

5.    INTÉRÊTS ET RISQUES DES SCOOTERS

5.1.    Ils augmentent la vitesse de déplacement du plongeur:

  • La vitesse est doublée : on peut tabler sur 30 à 50 m/mn, selon l’appareil utilisé, l’équipement transporté et la visibilité.
  • Le temps de plongée est raccourci et, par voie de conséquence, le temps de décompression encore plus.

5.2.    Ils diminuent les efforts du plongeur:

  • Donc ils diminuent la consommation : environ 15 l/mn au lieu de 25 l/mn à la palme.
  • Pour les plongeurs équipés de recycleurs la diminution de la consommation n’est plus un critère prépondérant, en revanche la diminution des efforts est très bénéfique, voire indispensable en profondeur (maîtrise de la normoxie et prévention de l’hypercapnie).

5.3.    Les risques de panne :
Il s’agit d’un matériel fiable mais déjà complexe, des risques de panne sont donc à considérer. La panne peut provenir de :

  • L’alimentation (batterie faible ou mal rechargée).
  • Une commande défectueuse ou un relais bloqué. Si la commande est bloquée en position marche, l’urgence va être de stopper la machine. Cette manœuvre est généralement décrite dans la notice du fabricant. Dans tous les cas il y a intérêt à s’entraîner à ces gestes d’urgence.
  • La transmission : hélice bloquée (par un fil perdu, par la tuyère déformée, par un caillou entre une pale et la tuyère). Une panne de transmission peut aussi provenir d’un embrayage défectueux voire d’une perte de l’hélice…
  • L’étanchéité : une prise d’eau peut provenir de l’implosion du corps du scooter, d’une fuite à l’arbre d’hélice ou autre joint. Dans le cas d’une prise d’eau importante, le poids apparent du scooter peut atteindre quelques dizaines de kilos.

6.    LES PRÉCAUTIONS D’USAGE

6.1.    L’environnement :

  • Chocs sur les plafonds : le pilote de scooter doit prendre conscience de l’encombrement et de la hauteur de son équipage et anticiper les abaissements de la voûte. La vitesse sera adaptée à la visibilité. Les protections de robinets peuvent être utiles ainsi qu’un masque de rechange.
  • Chocs au sol : penser à décoller la tuyère du sol avant de démarrer et éviter de passer trop près des sols argileux.

6.2.    Le fil  d’Ariane:
Dans la mesure du possible, le fil est suivi du regard. Il est donc indispensable qu’il se trouve dans le champ de vision naturel du pilote de scooter et certaines cavités devront être rééquipées en fonction de cet impératif. En cas de visibilité limitée il faut réduire la vitesse pour suivre le fil à la main, voire renoncer à l’emploi du scooter.
Les vieux fils ou les fils non tendus constituent autant de proies pour l’hélice du scooter qui se trouve irrémédiablement bloquée. En conséquence les cavités doivent être nettoyées des  vieux fils et il faut garder l’hélice à distance du fil.
Un simple changement de régime du moteur peut annoncer un début d’emmêlement : il faut stopper immédiatement.

6.3.    La position et l’équipement du plongeur:
Tous les accessoires qui risquent de se prendre dans l’hélice seront soigneusement positionnés. C’est quand il est parfaitement horizontal que le plongeur offre le moins de résistance à la pénétration dans l’eau. Avec les tracteurs le flux passe sous le plongeur qui ne doit ressentir aucun brassage dû à l’hélice.
Un scooter chevauché se pilote avec les palmes. C’est un peu moins vrai pour les tracteurs qu’il est possible d’orienter dans la direction choisie. Attention toutefois à ne pas diriger le flux vers un détendeur : c’est le débit assuré.

6.4.    L’équilibrage :
La force de poussée permet de compenser des défauts d’équilibrage. Quand on arrête le moteur, le plongeur peut se retrouver trop lourd (en phase de descente) et il s’affale au sol, ou trop léger (en phase de remontée) et c’est envol vers les plafonds.

Le pilote anticipe donc ces changements de profondeurs en agissant sur sa propre flottabilité. Lorsqu’il est équilibré, il ne ressent aucun effort sur les palmes et le scooter est horizontal. Cette condition est importante pour le confort du plongeur et aussi pour l’efficacité du scooter (vitesse et autonomie).

Le scooter lui-même doit être parfaitement équilibré, légèrement négatif pour se poser délicatement au sol. Il est plus confortable lorsque son assiette est horizontale dans les deux axes.

7.    L’AUTONOMIE

7.1.    De la théorie à la pratique :
L’autonomie annoncée par le constructeur est à pondérer selon plusieurs critères dont le niveau de charge et la vétusté des batteries ainsi que les conditions d’utilisation (équilibrage de l’équipage et volume du matériel transporté). Pour évaluer l’autonomie effective il est recommandé de faire des essais dans les mêmes conditions et de prendre une marge de sécurité (aller + retour + 20 %, par exemple).

7.2.    La gestion des pannes :
En cas de panne au point le plus éloigné, le retour à la palme (en portant ou en abandonnant le propulseur) va provoquer :

  • Une consommation doublée ou triplée par rapport à l’aller,
  • Un risque de narcose ou d’essoufflement dus à l’effort,
  • Une durée plus importante donc une décompression majorée.

En conséquence, le plan de plongée envisagera la panne de scooter en prévoyant du gaz supplémentaire pour un retour à la palme, du gaz supplémentaire pour la décompression et une table ou un run time appropriés.

Quelques références(à personnaliser) Vitesse Consommation
Au scooter 35 m/mn 15 l/mn
A la palme avec le scooter 15 m/mn 35 l/mn
A la palme sans le scooter 20 m/mn 25 l/mn

7.3.    La redondance :

Pour éviter efforts inutiles et paliers supplémentaires on a tout intérêt à appliquer la règle de la redondance aux scooters. Le plongeur emporte avec lui 2 scooters qui ont chacun une autonomie suffisante pour le ramener vers la sortie en cas de panne de l’autre appareil.
Les scooters chevauchés peuvent être couplés en catamaran. Ce dispositif a été utilisé par Olivier Isler dans les années 1990. Il permet de contrôler le fonctionnement des 2 appareils sans stopper l’équipage mais reste peu maniable. Avec les deux machines en marche à pleine vitesse dans une galerie un  peu sinueuse, le pilote peut facilement s’imaginer à la place de Luke Skywalker dans les dédales de l’Etoile Noire…
Le scooter de secours peut aussi être tracté en bout de longe (scooters tracteurs) ou porté à la bretelle du scaphandre comme une bouteille relais.

7.4.    L’assistance
En situation de plongée en binôme il est tout à fait possible de rentrer à deux plongeurs sur un seul scooter. Le plus souvent le plongeur assisté s’accroche au scaphandre du pilote. Il doit être particulièrement attentif aux abaissements de plafond (surtout si le pilote est un tant soit peu joueur). La vitesse et l’autonomie seront forcément moindres en raison de l’effort supplémentaire demandé au moteur.

8.    PERSPECTIVES

Les scooters sont des outils d’exploration indispensables aux plongeurs souterrains. Associés aux recycleurs ils portent très loin et très profond les capacités d’investigation du sous-sol noyé. L’augmentation du nombre de plongeurs teks et souterrains a permis aux fabricants de développer un marché et d’industrialiser la production de machines fiables et performantes à des prix encore assez élevés (autour de 4 000 €) mais abordables au niveau associatif. C’est important car nous avons vu que des plongées engagées ne peuvent s’envisager qu’avec une redondance de scooters.

Marc DOUCHET

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